Le lieu désiré

Cette nuit entre les êtres tout est possible.

Je crois qu’il y a un pays de l’amour. De l’amour simple et pur où l’on ne s’embarrasse de rien. Nos têtes n’y disent rien, n’empêchent personne. Nos corps ne sont plus fâchés ou encombrants, ils sont détachés pour mieux être ensemble.

J’étais dans ce pays cette nuit. Dans un hall d’attente d’une gare ou d’un aéroport nous nous croisons. Ton visage enfantin me sourit et ne s’étonne pas, tout comme je ne m’étonne pas de nous voir là. Il y a cette terre, cet espace magique où nous nous revoyons. Je prends ta tête dans le creux de mon bras, à l’intérieur du coude. Comme je porterais un bébé, me suis-je dis en me réveillant. Mais rien ne m’a vraiment réveillé. Dans ce pays je reste toute la journée après le rêve, je fait traîner la béatitude.

Peut être penses-tu à moi au même moment alors je te rêve ? Je ne le crois plus. Je crois qu’il y a un lieu intergalactique, inter spatial dans notre mental. Un lieu d’esprit, de confinement des possibles, de tout ce qui peut se vivre autrement, pas comme dans nos vies serrées et petites. Ce monde mental est grand, sans plafond de conformités, sans barrage intellectuel, social, sans réalité d’ici et maintenant. Ce monde où l’amour se vit comme on le veut, il est notre propriété secrète. Un patrimoine divin. Notre vie réelle est en comparaison bien mince, triste et désuète. Mesquine, au fond, et très handicapée.

Dans ce monde cette nuit, ta tête soulagée et aimante est au creux de mon coude, je suis assise sur une banquette. C’est confortable, sans pression, sans souci. Tu me dis que tu vis à Abu Dhabi et je me demande quand même pourquoi si loin, si chaud, si sec, si luxueux mais je ne te demande rien. Dans ce monde magique on se contente. Dans tous les sens du mot. Ce désert, cet émirat, c’est ton point de chute, ton repaire, ta résidence en intermittence. Le reste du temps tu voyages en travaillant, tu travailles et voyages. Donc, tu me croises, tu me vois, et nous sommes comme deux poussins d’un même nid. Comme toujours dans ce monde uni. Unis et retrouvés comme toujours dans ce lieu sans contrainte, fait uniquement de notre mental-roi et de nos royaux désirs.

C’est cela, c’est un monde secret de l’unité sans conditions. Qui unit. Qui brille, qui échappe aux conditionnements, aux déchirements, aux pertes brutales. Qui remet, relie, garde ce qui est précieux. Un coffret de vies, intactes. Un coffret des amours. Délicat, capricieux parfois car personne ne sait comment rejoindre consciemment ce rivage, cette lampe d’Aladin. Il faut s’étendre et tout oublier pour s’y retrouver enfin.

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