Les maisons quand on est loin

On croise des gens, sur la toile,  par exemple, que peut être jamais on ne rencontrera.

On échange des musiques, des pensées, des vraies pensées. De lui à moi, de toi à toi, de nous sur un brin d’herbe qui ne veut pas dire grand chose mais qui soulève son poids de vent, de beauté.

Certains on les évite, on ne se retrouve pas, on ne veut pas se connaître. On n’a pas besoin.

Tiens, comment vous faites pour rester silencieux quand vous lisez un blog et que l’article vous plait ? Donnez-moi votre recette.

La fille d’une amie est partie loin étudier, dans un bout d’Asie qui me rappelle le mien, celui où je suis restée, passée et restée, même si je n’ai jamais pensé ne pas revenir en Europe. Elle vit chez l’habitant pour sa première semaine et je lui dis combien ce sera super d’avoir son propre logement. Je me souviens de mon arrivée en Thaïlande, au nord du pays, près du camp de réfugiés où nous allions travailler. On est arrivés à trois pour remplacer l’unique expatrié de la mission. Les missions, justement, s’agrandissaient et les budgets en proportion. On a partagé sa maison quelques semaines et je n’étais pas chez moi, peu de choses me plaisaient. Maison en bois, rustique, infestée de moustiques. Pas de cuisine digne de ce nom, c’est « la maid » qui gérait tout dans un espace sur la terrasse couverte; elle lui faisait à manger, on ne faisait jamais de courses, on n’allait pas au marché. Cela m’a beaucoup déplu et dérouté. Je ne pouvais pas vivre comme cela. Il a fallu deux et même trois maisons après celle là pour que je m’installe vraiment. De toutes façons le travail était tellement difficile et prenant qu’on vivait peu chez nous.

La maison d’après on l’a louée à trois. C’était sympa, mais là aussi on ne faisait qu’y dormir, on essayait de faire notre lessive nous mêmes mais quel boulot ! On a vite compris qu’il nous fallait, à nous aussi, une personne locale pour les tâches quotidiennes. On ne mangeait bien qu’au restaurant, et heureusement la cuisine thaïe est un délice sans cesse renouvelé. Ensuite on s’est installé tous les deux dans une maison en bois sur pilotis, assez sympa avec une grande terrasse ombragée où s’asperger pour se laver. On était arrivés ensemble, en couple. C’est pareil, le travail, les déplacements, les réunions à droite et à gauche, on était dans la maison au réveil et pour se coucher. Je continuais de me demander ce que je faisais là. Le travail me paraissait insurmontable et avait peu de sens, ne ressemblait pas à ce que j’avais pensé. J’ai écrit une lettre à notre coordinateur de l’Unesco à Bangkok pour lui dire que je ne comprenais toujours pas le sens de ma mission, j’analysais les choses et me posais beaucoup de questions. Un homme extraordinaire qui m’a tout de suite demandé de venir en me répondant  » Formidable, vous doutez ?, vous êtes sur la bonne voie ». De retour de ma journée avec lui, ma vie fut transformée. J’avais une place, un allié, un avenir dans cet endroit.

Au bout de quatre mois, je déménage encore, car j’ai rencontré Lui. Il vit dans ce pays depuis longtemps. Il a une superbe maison, en dur, c’est à dire pas en bois. Il y a une vraie cuisine et une vraie salle de bains avec un système pour l’eau chaude. C’est un palace pour moi. On dégote même un four, chose qui n’existe pas là-bas à  l’époque. Ma vie commence, j’ai une maison où vivre, cuisiner, me reposer, travailler, un cocon qui permet la respiration, qui permet d’aimer la vie au dehors.

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4 réflexions sur “Les maisons quand on est loin

    1. Non, à peine deux trois (sur ces maisons et leurs habitants) , dans mon album photos. Car je vous parle d’un temps où une photo était dans une pellicule qu’on portait, tout ému, chez le photographe…

    1. Vaguement, et surtout j’y ai trouvé un interêt perso, en dehors même des objectifs stricto sensu. Quand on part loin on part pour soi, essentiellement, je l’ai compris vite, alors ça allait mieux.

      Il s’agissait de créer des lieux petite enfance, avant le primaire, dans un camp de réfugiés. Auprès de groupes ethniques originaires du Laos pour lesquels « la petite enfance » n’a aucun sens. Donc je dirais que MOI j’ai beaucoup appris sur eux, que c’était passionnant pour MOI et qu’on s’est bien entendus dans la vie courante « au boulot »…des lieux sympas ont été créés, animés par les réfugiés et sur certains de ces lieux beaucoup d’enfants ont été heureux se sont amusés…et des adultes, hommes et femmes, » prof-éducateurs » ont reçu des pécules, petits salaires sous formes d’objets dont ils avaient besoin ( camp sous contrôle Haut Commissariat aux Réfugiés + armée thaïe, interdiction de les payer en cash) pour améliorer leur vie. Ce qui était le bienvenu. Bilan = pas de grosses conneries de faites et tout le monde s’y est retrouvé.

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